Page:Leconte de Lisle - Eschyle (Lemerre, 1872).djvu/206

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Voyez-vous ces enfants assis dans les demeures, semblables aux apparitions des songes ? Ce sont des enfants égorgés par leurs parents. Ils apparaissent, tenant à pleines mains leur chair dévorée, leurs intestins, leurs entrailles, misérable nourriture dont un père a pris sa part ! C’est pourquoi je vous dis qu’un lion lâche médite, en se roulant sur le lit de l’époux, la vengeance de ce crime. Malheur à celui qui est revenu, à mon maître, puisqu’il me faut subir le joug de la servitude ! Le chef des nefs, le destructeur d’Ilios, ne sait pas ce qu’il y a sous le visage souriant et les paroles sans nombre de l’odieuse Chienne, et quelle horrible destinée elle lui prépare, telle qu’une fatalité embusquée ! Elle médite cela, la femelle tueuse du mâle ! Comment la nommer, cette bête monstrueuse ? Serpent à deux têtes, Skylla habitante des rochers et perdition des marins, pourvoyeuse du Hadès qui souffle sur les siens les implacables malédictions ! Quel cri elle a jeté, la très-audacieuse, comme un cri de victoire dans le combat, comme si elle se réjouissait du retour de son mari ! Maintenant, si je ne t’ai point persuadé, et pourquoi le serais-tu ? ce qui doit arriver arrivera. Certes, tu seras témoin et tu diras, plein de pitié, que je n’étais qu’un prophète trop véridique.

Le Chœur des Vieillards.

J’ai reconnu, et j’en ai eu horreur, le repas de Thyestès qui dévora la chair de ses enfants, et la terreur me saisit en entendant ces choses si vraies et non inventées ; mais, pour celles que tu as dites d’abord, je dévie du droit chemin.

Kasandra.

Je te le dis, tu verras le meurtre d’Agamemnôn.