Page:Leconte de Lisle - Hésiode.djvu/161

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sa maison, ce seuil où tout mon cœur est encore attaché. Et il n’en a nul souci ! Crache dessus et dis : Je frotte les os de Delphis !

Bergeronnette magique, ramène-le vers ma demeure. — Me voici seule. Par où commencer le récit de mon amour funeste ? Qui fut la cause de mon mal ? La canéphore Anaxô, la fille d’Euboulos, allait au bois sacré d’Artémis, au milieu d’un cortège d’animaux parmi lesquels se trouvait une lionne.

Apprends d’où me vint mon amour, vénérable Sélana ! — Ma nourrice Thrakienne Theukharidas, morte depuis, et qui demeurait auprès de moi, me pria et me supplia d’aller voir le cortége, et moi, malheureuse ! je la suivis, vêtue d’une belle tunique de coton et enveloppée du manteau de Kléarista.

Apprends d’où me vint mon amour, vénérable Sélana ! — Vers le milieu de la route, à l’endroit où demeure Lykaôn, je vis Delphis et Eudamippos qui marchaient. Leur barbe était plus dorée que l’hélikhryse, et leur poitrine était plus luisante que toi, ô Sélana, car ils quittaient à l’instant les travaux du gymnase.

Apprends d’où me vint mon amour, vénérable Sélanal — Dès que je le vis, je fus hors de moi, et mon cœur, malheureuse ! fut tout entier blessé. Ma beauté se flétrit ; foubliai le cortége. Je ne sais comment je revins à la maison ; mais un mal aigu me dévora, et je restai couchée dix jours et dix nuits.

Apprends d’où me vint mon amour, vénérable Sélana ! — Je pris la couleur de la thapsia, mes cheveux tombèrent, et la maigreur ne me laissa que les os et la peau. Chez quelle vieille magicienne ne suis-je pas entrée ! Mais le temps fuyait, et mon mal n’était point allégé.

Apprends d’où me vint mon amour, vénérable Sélana !