Page:Leconte de Lisle - Hésiode.djvu/238

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tant l’amorce au bout de la ligne. Un des plus gras y mordit. Les chiens rêvent pain ; moi, je rêve poisson. Il s’était donc pris à l’hameçon, et son sang coulait, et son poids ployait le roseau. Étendant les mains, je me courbais en m’efforçant, et je doutais que je pusse prendre un tel poisson avec un hameçon aussi faible. Je tirai à moi pour raviver sa blessure, puis je laissai aller et je tendis de nouveau la ligne. Enfin, je réussis, et j’amenai un poisson d’or, tout en or ! Je craignis d’abord que ce ne fût un poisson aimé de Poseidaôn, quelque joyau de la glauque Amphitrita. Cependant, je le détachai de l’hameçon, de peur que celui-ci n’enlevât un peu d’or ; et, me rassurant peu à peu, je le déposai sur la terre. Puis, je jurai de ne plus mettre le pied en mer, de rester à terre et d’y vivre richement. Allons, camarade, tends ton esprit, car je suis épouvanté de mon serment.

olpis.

N’aie pas peur ; tu n’as rien juré, car tu n’as pas trouvé de poisson d’or, et tous les rêves sont autant de mensonges. Si, bien éveillé, tu cherches ici ce que t’ont premis tes rêves, que ce soient de vrais poissons de chair, de peur de mourir de faim avec tes songes d’or.