Page:Leconte de Lisle - Hésiode.djvu/51

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berait blessé. Et elles étendaient leurs grands ongles sur lui, afin d’emporter l’âme dans le Hadès et vers le Tartaros glacé. Puis, afin de se rassasier de sang humain, elles rejetaient le cadavre derrière elles, et elles se ruaient de nouveau dans la mêlée.

Et là étaient aussi Klôthô et Lakhésis, et Atropos qui n’était pas une grande déesse, mais qui, certes, [260] était la plus antique et la plus puissante des trois. Et elles se disputaient affreusement un même homme, se regardant avec fureur et entrelaçant avec audace leurs mains et leurs ongles. Et près d’elles était debout Akhlys, lamentable, horrible, blême, desséchée par la faim et avec des genoux épais. Les ongles de ses mains étaient très-longs ; une odeur affreuse s’exhalait de ses narines ; et, de ses mâchoires, le sang coulait sur la terre. Elle était debout, grinçant des dents, et un tourbillon de poussière épaisse enveloppait ses épaules, et cette poussière [270] était humide de larmes.

Auprès, était une ville aux belles tours et aux sept portes d’or bien ajustées sur leurs portants. Les hommes s’y réjouiraient par les festins et les danses. Ils conduisaient, sur un char bien construit, une jeune femme à son mari ; et de tous côtés on chantait Hyménaios ; et dans les mains des servantes la splendeur des torches les précédait et des chœurs dansants les suivaient. Les uns, de leurs lèvres délicates faisaient résonner leur voix harmonieuse, en même temps que les flûtes, et le son s’en répandait au loin ; [280] les autres accompagnaient le chœur sur des kithares, et d’autres jeunes hommes se charmaient de la flûte, et d’autres se plaisaient à la danse et au chant, et d’autres souriaient de les entendre et de les voir. Et les festins et les danses emplissaient toute la ville, et des cavaliers couraient autour sur le dos des chevaux.