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LA FONTAINE AUX LIANES.


La tête au dur regard reposait sur la pierre ;
Aux replis de la joue où le sable brillait,
On eût dit que des pleurs tombaient de la paupière
Et que le cœur encor par instants tressaillait.

Sur les lèvres errait la sombre inquiétude.
Immobile, attentif, il semblait écouter
Si quelque pas humain, troublant la solitude,
De son suprême asile allait le rejeter.

Jeune homme, qui choisis pour ta couche azurée
La fontaine des bois aux flots silencieux,
Nul ne sait la liqueur qui te fut mesurée
Au calice éternel des esprits soucieux.

De quelles passions ta jeunesse assaillie
Vint-elle ici chercher le repos dans la mort ?
Ton âme à son départ ne fut pas recueillie,
Et la vie a laissé sur ton front un remord.

Pourquoi jusqu’au tombeau cette tristesse amère ?
Ce cœur s’est-il brisé pour avoir trop aimé ?
La blanche illusion, l’espérance éphémère
En s’envolant au ciel l’ont-elles vu fermé ?

Tu n’es pas né sans doute au bord des mers dorées,
Et tu n’as pas grandi sous les divins palmiers ;
Mais l’avare soleil des lointaines contrées
N’a pas mûri la fleur de tes songes premiers.