Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/224

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Les plaines de la mer, immobiles et nues,
Coupent d’un long trait d’or la profondeur des nues.
Seul, un rose brouillard, attardé dans les cieux,
Se tord languissamment comme un grêle reptile
Au faîte dentelé des monts silencieux.
Un souffle lent, chargé d’une ivresse subtile,
Nage sur la savane et les versants moussus
Où les taureaux aux poils lustrés, aux cornes hautes,
À l’oeil cave et sanglant, musculeux et bossus,
Paissent l’herbe salée et rampante des côtes.
Deux nègres d’Antongil, maigres, les reins courbés,
Les coudes aux genoux, les paumes aux mâchoires,
Dans l’abêtissement d’un long rêve absorbés,
Assis sur les jarrets, fument leurs pipes noires.