Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
POÈMES BARBARES.

Des clochettes d’argent tinte, et les cavaliers
Mêlent le rire allègre aux devis familiers :
Ruses de guerre et rapts d’amour, et pilleries
Nocturnes par la ville et dans les Juiveries,
Querelles, coups de langue et coups de merci-Dieu ;
Mais, immobile en selle et plus ferme qu’un pieu,
Le Rui Diaz ne dit rien, étant d’une humeur sombre.

Donc, à travers les champs pierreux qui n’ont point d’ombre,
Comme il est convenu, tous cheminent ainsi
Pour rendre grâce au Roi qui leur a fait merci
Et vient au-devant d’eux avec ses feudataires,
Son Alferez-Mayor et ses quatre notaires
Chargés de libeller allégeance et serment,
Et trois cents compagnons armés solidement.

Vers midi, dans la plaine où l’air poussiéreux brûle,
Don Hernando s’arrête et siège sur sa mule,
Toque en tête, le gant de la main droite ôté,
Et l’autre, du revers, appuyée au côté.
Chacun, après l’hommage et la mercuriale,
Va mettre un prompt baiser sur la dextre royale ;
Mais, lenteur ou dédain, le grave aventurier,
Rui Diaz ne descend point de son haut destrier.
Alors don Iñigo Lopez, porte-bannière
De Castille, d’humeur rogue et fort rancunière,
Dont les rudes aïeux soutinrent sur les monts
Les assauts de Thâriq et de ses noirs démons,
Très fier, conséquemment, de sa vieille lignée,