Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LES ASCÈTES.

Les lions de l’Atlas au fond des vomitoires.
Inépuisable mer, du sommet des sept monts,
Couvrant l’empire entier de ses impurs limons,
Nue, horrible, traînant ses voluptés banales,
La débauche menait les grandes saturnales ;
Car c’était l’heure sombre où le vieil univers,
Ne pouvant oublier son opprobre et ses fers,
Gisait sans Dieu, sans force, et fatigué de vivre,
Comme un lâche qui craint de mourir et s’enivre.
Et c’est alors, plus haut que l’orgie aux bruits sourds,
Qu’on entendit monter l’appel des nouveaux jours,
Cri d’allégresse et cri d’angoisse, voix terrible
D’amour désespéré vers le monde invisible :


II


— Les bruits du siècle ont-ils étouffé votre voix,
Seigneur ? Jusques à quand resterez-vous en croix ?
En vain vous avez bu l’amertume et la lie :
Le monde se complaît dans sa vieille folie
Et s’attarde en chantant aux pieds de ses Dieux morts.
Au désert, au désert, les sages et les forts !
Au désert, au désert, ceux que l’Esprit convie,
Ceux qu’a longtemps battus l’orage de la vie,
Ceux que l’impie enivre à ses coupes de feu,
Ceux qui dormaient hier dans le sein de leur Dieu !
Au désert, au désert, les hommes et les femmes !
Étouffons dans nos cœurs les voluptés infâmes ;