Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311
LES DEUX GLAIVES.


Va donc ! Et souviens-toi de l’heure où, dans sa force,
Ta haute nef heurta l’inébranlable écueil ;
Souviens-toi, chêne altier, tranché dans ton orgueil,
Qu’une cendre inféconde emplissait ton écorce.

Va ! Je t’absous au nom du Père, au nom du Fils
Et de l’Esprit ! — César se relève et salue ;
Il sort. Un flot de honte à son front pâle afflue,
Et le moine humblement baise son crucifix.


II


CHŒUR DES ÉVÊQUES

 
— Le Seigneur a maudit le fleuve dans la source,
La moisson dans le grain, l’homme dans le berceau ;
Et toute chair gémit sans trêve et sans ressource,
Le foudroyé l’ayant marquée avec son sceau !

Dans le plus innocent dort le germe d’un crime ;
Toute joie est un piège où trébuche le cœur ;
Toute Babel ne croît qu’au penchant de l’abîme
Où le vaincu sanglant entraîne le vainqueur.

Mais, ô Phare allumé dans notre nuit immense,
Ô siège de l’Apôtre, ô magnifique Autel,
Si tout languit et meurt, renaît et recommence,
Toi seul es immuable et toi seul immortel !