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POÈMES BARBARES.


Et voici qu’il leur parle une langue inconnue ;
Et, l’aile frémissante, un essaim messager
Semble écouter, s’envole et monte dans la nue.

À l’ombre des bouleaux au feuillage léger,
Sous l’humble vêtement tissé de poils de chèvre,
La croix de bois au cou, tel passe l’Étranger.

Trois filles aux yeux bleus, le sourire à la lèvre,
Courent dans la bruyère et font partir au bruit
Le coq aux plumes d’or, la perdrix et le lièvre.

Du rebord des talus où leur front rose luit,
Écartant le feuillage et la tête dressée,
Chacune d’un regard curieux le poursuit.

Lui, comme enseveli dans sa vague pensée,
S’éloigne lentement par l’agreste chemin,
Le long de l’eau, des feux du matin nuancée.

Il laisse l’aiguillon échapper de sa main,
Et, les yeux clos, il ouvre aux ailes de son âme
Le monde intérieur et l’horizon divin.

Le soleil s’élargit et verse plus de flamme,
Un air plus tiède agite à peine les rameaux,
Le fleuve resplendit, tel qu’une ardente lame.