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Je suis le dernier né des familles divines,
Le fruit de leur sillon, la fleur de leurs ruines,
L’Enfant tardif, promis au monde déjà vieux,
Qui dormis deux mille ans dans le berceau des dieux,
Et m’éveillant hier sur le fumier rustique.
Fus adoré des rois de l’Ariane antique.
Runoïa ! courbé du poids de cent hivers,
Qui rêves dans ta tour aux murmures des mers,
Je suis le sacrifice et l’angoisse féconde ;
Je suis l’Agneau chargé des souillures du monde ;
Et je viens apporter à l’homme épouvanté
Le mépris de la vie et de la volupté !
Et l’homme, couronné des fleurs de son ivresse,
Poussera tout à coup un sanglot de détresse ;
Dans sa fête éclatante un éclair aura lui :
La mort et le néant passeront devant lui.