Page:Lectures romanesques, No 131, 1907.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voici comment il avait arrangé les choses.

1° Il se rendrait au Louvre, à l’invitation de Catherine de Médicis.

2° Il irait à l’hôtel Coligny prévenir Déodat qu’il eût à quitter Paris au plus tôt.

3° Il provoquerait Henri de Guise et rendrait ainsi à la reine le plus signalé service.

4° Une fois sûr de sa position nouvelle, il irait trouver la Dame en noir, lui dirait son amour pour sa fille et, gentilhomme de la cour, sans doute favori du roi, obtiendrait Loïse en mariage.

5° Il serait dès lors l’homme le plus heureux du monde.

6° Il ferait rechercher son père, et lui ferait une bonne et douce vieillesse, non sans lui avoir fait remarquer que Pardaillan fils était arrivé à la fortune et au bonheur en désobéissant aux vœux de Pardaillan père.

Ayant ainsi arrangé sa vie, le chevalier avait pu dormir quelques heures.

Mais à l’aube, comme nous l’avons dit, il était debout.

Il fit une toilette soignée. Il s’agissait de prouver aux gentilshommes de la cour qu’un Pardaillan était à son aise sur tous les terrains. Quand il fut prêt, n’ayant plus qu’à ceindre son épée accrochée au mur, il constata qu’il avait encore deux ou trois heures devant lui avant de pouvoir se présenter raisonnablement au Louvre.

Il se dirigea donc vers la fenêtre sans grand espoir d’ailleurs d’apercevoir Loïse.

Mais, pour un amoureux, regarder la fenêtre derrière laquelle dort la bien-aimée, « c’est encore du bonheur » comme on chante dans les opéra-comiques.

À ce moment, Pipeau grogna sourdement.

Pardaillan ne prêta aucune attention à ce grognement, et ouvrit sa fenêtre.

Presque au même instant, la fenêtre de Loïse s’ouvrit elle-même avec violence, et la jeune fille, les cheveux dénoués, les yeux hagards, apparut, leva la tête vers Pardaillan et cria :

— Venez ! Venez !

— Enfer ! gronda Pardaillan qui pâlit lui-même. Que se passe-t-il ?

C’était la première fois que Loïse adressait la parole au chevalier. Et c’était, selon toute apparence, pour implorer son secours, et il fallait que le danger fût grave pour qu’elle eût osé jeter ce cri qui ressemblait à un cri de terreur.

— J’accours ! rugit Pardaillan qui se retourna pour se précipiter dans l’escalier.

À la même seconde, Pipeau fit entendre un aboi furieux, la porte vola en éclats, une douzaine d’hommes armés se ruèrent dans la chambre et l’un d’eux cria :

— Au nom du roi !…

Pardaillan voulut s’élancer vers son épée demeurée à la muraille ; mais avant qu’il eût pu faire un mouvement, il fut