Page:Lectures romanesques, No 141, 1907.djvu/11

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— Bien. Écoutez-moi, en ce cas. Que pensez-vous que ferait le vieux Coligny si vous lui donniez une armée pour aller défendre dans les Pays-Bas ses coreligionnaires massacrés par le duc d’Albe ?

— Je dis qu’il tomberait à mes pieds. Mais, madame, ce serait la guerre avec l’Espagnol !

— Nous causerons de cela en conseil, mon fils. Je sais un moyen d’éviter la guerre avec l’Espagne qui est et doit rester notre amie fidèle. Ceci acquis, êtes-vous décidé à faire à l’amiral la proposition que je vous dis ?

— Oui, morbleu ! et même au prix d’une guerre avec l’Espagne, car après tout, mieux vaut guerre de frontière que guerre intestine !

— Bien. Vous admettez qu’en ces conditions l’amiral est à nous ? Voilà donc les brouillons du parti huguenot qui n’ont plus de chef et viennent se ranger autour de vous.

— Sans doute. Mais Henri de Béarn ? demanda avidement Charles IX.

— Ah ! voilà où mon idée a du bon ! Henri de Béarn est votre ennemi… eh bien, j’en fais plus que votre ami, j’en fais votre frère…

— Henri n’est pas plus mon ennemi que l’amiral, madame. C’est nous qui, jusqu’ici, les avons poussés à la guerre. Avouons nos torts… mais enfin, je serais curieux de savoir comment le Béarnais peut devenir mon frère…

— En épousant votre sœur… ma fille Marguerite ! fit Catherine triomphante.

— Margot ! s’écria Charles stupéfait.

— Elle-même ! Croyez-vous qu’il refusera l’alliance ? Croyez-vous que l’orgueilleuse Jeanne d’Albret elle-même ne sera pas fière et heureuse d’une pareille union ?

— L’idée est admirable, en effet. Mais qu’en dira Margot ?

— Marguerite dira ce que nous voudrons. À défaut de sa soumission, son intelligence nous assure de son dévouement.

— Par la mort-dieu ! s’écria le roi en se levant, voilà, madame, une belle et profonde pensée… Oui, oui, cela nous assure la paix… Le Béarnais rentrant dans ma famille, et Coligny occupé aux Pays-Bas, il n’y a plus de parti huguenot !… C’est admirable, vraiment… Plus de guerre, plus de sang dans les rues de Paris… des fêtes, des chasses, des danses… Mort-dieu, madame, la jolie cour que nous allons avoir. Savez-vous que cela commençait à devenir bien triste ? C’est charmant, j’en veux avoir le cœur net… faites rassembler le conseil pour demain !… Ah ! je respire !

Et le roi Charles, en véritable enfant qu’il était, esquissa un pas de danse, puis saisit sa mère à pleins bras et l’embrassa sur les deux joues, puis, joyeusement, sonna à toute volée un air de chasse…

Catherine, de son air glacial, suivait toute cette expansion de joie juvénile.