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— Eh bien, il est possible qu’un de ces jours, elle ait besoin de vous et de vos hommes. Retenez bien que vous devrez lui obéir, la suivre où elle vous mènera, lui prêter main-forte, et arrêter la personne qu’elle vous désignera. Allez, et n’oubliez pas.

Le capitaine s’inclina sans surprise, en homme qui en avait vu et entendu bien d’autres.

Dès qu’il fut disparu, Catherine se tourna vers l’espionne ; sa voix redevint dure.

— Tu es décidée ? bien décidée ?

— Oui, madame, bégaya la malheureuse.

— Tu te mettras en rapport avec le comte de Marillac ?

— Oui, madame.

— Bien ; maintenant, écoute… Si tu me trahissais…

Alice frisonna de se voir devinée.

— Si tu me trahissais, continua la reine, ce n’est pas au grand-prévôt que je ferais parvenir ta lettre… j’aurais encore assez pitié de toi pour te laisser vivre.

Alice jeta à la terrible tourmenteuse un regard d’interrogation affolée.

— C’est à un autre que je la ferais remettre ! dit Catherine. Et j’y joindrais l’histoire de ta vie, avec preuves à l’appui.

— Un autre ! balbutia l’infortunée.

— Et cet autre s’appelle le comte de Marillac, acheva Catherine de Médicis.

Un long cri d’épouvante et d’horreur retentit dans l’oratoire, et Alice de Lux tomba à la renverse, aux pieds de la reine, sans connaissance…

Note




◄   XXVII XXIX   ►

Comme nous l’avons expliqué au début d’un précédent chapitre, les scènes que nous venons de retracer se passèrent le matin du jour où le chevalier de Pardaillan sortit de la Bastille avec la complicité… involontaire du gouverneur, M. de Guitalens.

Nous avons vu à la suite de quels raisonnements le jeune chevalier avait pris la résolution de ne plus s’occuper désormais que de lui-même, et, comment, ayant en son pouvoir la lettre de Jeanne de Piennes à François de Montmorency, il s’était décidé à ne pas la faire arriver à son adresse.

Certain non seulement de ne pas être aimé de Loïse, mais encore d’en être détesté, convaincu d’ailleurs que même s’il n’était pas haï, un mariage entre Loïse et lui devenait un rêve irréalisable, du fait que sa jeune et jolie voisine se trouvait être la fille d’un haut et puissant seigneur, Pardaillan s’était dit :

« Je serais bien bête après tout de m’occuper d’affaires qui ne me regardent pas… Pourquoi porterais-je cette lettre ? Qu’y a-t-il de commun entre moi et les Montmorency ? »