Page:Lectures romanesques, No 151, 1907.djvu/11

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Cet homme, c’était le comte de Marillac.

Panigarola put le suivre un instant des yeux : ce fut une rapide vision aussitôt effacée.

— L’homme qu’elle aime ! gronda-t-il. Il s’en va heureux, l’âme radieuse ; et moi, misérable, moi !…

Sa pensée sombra dans une sorte de balbutiement et n’acheva pas de s’indiquer.

Longtemps, figé à la même place, le moine lutta contre la douleur de la jalousie comme s’il l’eût éprouvée pour la première fois.

Enfin, après peut-être une heure d’attente, il se dirigea résolument sur la porte.

Au moment où il allait frapper, cette porte s’ouvrit de nouveau.

Panigarola n’eut que le temps de s’effacer contre la muraille.

Ce fut encore un homme qui sortit et s’éloigna rapidement : cette fois, c’était le maréchal de Damville.

Le moine ne le reconnut pas. Peut-être même ne prêta-t-il qu’une attention médiocre à ce fait qu’un homme sortait de chez Alice… après l’autre !

Il repoussa violemment la porte à l’instant où elle se refermait et entra dans le jardin.

La vieille Laura qui avait escorté Henri n’était pas femme à s’effrayer ; elle s’attendait toujours à tout ce qui peut arriver à l’honnête gouvernante d’une femme telle qu’Alice de Lux. Au premier coup d’œil, elle reconnut Panigarola, et sourit ; cependant, comme elle tenait à toujours avoir les apparences pour elle, — ce qui est le fond même de l’honnêteté sociale, — elle esquissa une tentative de résistance et prit la posture d’une duègne effarouchée qu’on violente et qui va crier au secours.

— Silence ! dit le moine en saisissant le bras de la digne Laura.

Et certain que la gouvernante ne tenterait rien contre lui, il pénétra dans la maison que venaient de quitter l’un après l’autre le comte de Marillac et Henri de Montmorency. (On n’a pas oublié, sans doute, que le maréchal avait surpris l’entretien d’Alice et du comte ; et qu’en menaçant Alice de révéler cet entretien, il avait obtenu d’elle qu’elle se constituerait la geôlière de Jeanne de Piennes et de Loïse). Après le départ du maréchal, l’espionne écrasée de honte était tombée à genoux en s’écriant : « Qui donc viendra me relever dans cet abîme d’ignominie ! »

Ces paroles désespérées, Panigarola les entendit, les recueillit avidement, et il répondit :

— Moi !…

Alice s’était relevée d’un bond, stupéfaite, épouvantée de cette apparition inattendue. À l’instant même, elle reconnut le marquis de Pani-Garola, son premier amant. Sa première pensée — pensée qui traversa son esprit comme un éclair — fut que le moine avait réfléchi depuis la