Mais je suis encor loin de cet âge sans goût,
Où, près de tout quitter, on peut rire de tout.
Oui, trop loin ! et d’ailleurs qu’importe la vieillesse ?
Le temps use le corps, sans faucher la tristesse.
Nos ames ont peut-être un âge pour jouir,
Mais elles n’en ont pas, pour cesser de souffrir.
Puis le ciel sur la terre a semé pour sa gloire
Des mortels, dont le cœur ne perd pas la mémoire,
Dont le sang brûle encor dans- des membres tremblans,
Des mortels, dont les yeux, cachés sous leurs cils blancs,
D’un âge évanoui recomposent les charmes,
Et pour ceux qu’ils aimaient se retrouvent des larmes.
Leur tristesse à ceux-là les suit jusqu’au tombeau ;
Le fil ne change pas jusqu’au bout du fuseau.
Orgueil ou non, je sens que je suis né leur frère.
Le ciel, dans tout mon être, a scellé la misère.
Voilà pourquoi mon ame est si triste, et pourquoi
Tout s’égaie au printemps, hélas ! excepté moi.
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