Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/123

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Le seul aveu qu’on fasse est qu’on sait l’accomplir.
Sous ses gravats royaux vouloir s’ensevelir,
C’est dégrader sa chute, et tomber davantage.
La pourpre ne m’est rien : c’est l’homme que je vois.
Entre vivre et mourir, point de lâche partage ;
Car le plus long supplice est le plus noble choix.

Cet athlète hardi, qui veut ouvrir un chêne,
Milon, n’a pas prévu que son tronc caverneux,
Pour se venger de lui, peut rapprocher ses nœuds ;
Et l’arbre, qui se venge, en se serrant, l’enchaîne.
Le lutteur jette au ciel un regard éperdu.
Le voyez-vous d’ici, d’épouvante tordu,
Crier sous les lions, qui mordent ses entrailles,
Et, morceau par morceau, s’arrachent leur vainqueur ?
Mais que dut éprouver le géant des batailles,
Bonaparte captif, rongeant son propre cœur !
Le fastueux Sylla, dégoûté de lui-même,
Pour montrer sa hauteur, descend de son pouvoir :
Le puissant Charles-Quint, pour le faire mieux voir,
Ajuste un capuchon à son haut diadème :
Ils l’ont voulu !… mais toi, Bajazet renommé,
Par des Timurs sans nom sous ta cage enfermé,
Que pensais-tu ? quel rêve occupait ton génie ?
Un seul peut-être, un seul : Le monde était à moi !