Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/392

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Mais ne me cachez rien. Que l’infidélité,
Même en trompant l’amour, en ait la loyauté !
Peut-être voudrez-vous, un jour, que je vous quitte ;
Mais n’abandonnez pas ma mémoire trop vite.
Rappelez-vous souvent ces longs moments si courts,
Où des— flots paresseux nous remontons le cours :
Où, du zéphyr trop lent à tenir ses promesses,
J’invente autour de vous les furtives largesses :
Où, de vous soutenir mon bras impatient
Prête à votre faiblesse un appui suppliant,
Et sent, tout orgueilleux du devoir qu’il s’impose,
Qu’au lieu de lui peser, son fardeau le repose.
Non, vous n’oublirez rien : j’ai tort de m’alarmer ;
Puisque vous êtes là, tout doit parler d’aimer.
Mobile, mais constant, ce miroir qui voyage
N’entraîne pas des fleurs la forme qui surnage :
Votre cœur, ne peut-il, comme lui, caressant,
Conserver mon amour, en le refléchissant ?
Tout change sur les bords de ce fleuve où nous sommes,
Les arbres, les gazons, les oiseaux et les hommes ;
Mais lui ne change pas : ses refrains familiers,
Demain, commeaujourd’hui, joueront dans les osiers :
Et nous dont, chaque soir, la lente promenade
Va chercher de ses flots f’humide sérénade,
Pourquoi, plutôt que lui, nous verrait-on changer,
Nous, qu’à le parcourir, il semble encourager,
Vous, dont l’âme limpide est encore plus pure,
Moi, qui n’ai qu’un amour, comme il n’a qu’un murmure ?