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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/490

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Partir ! pour retrouver, sous un ciel inconnu,
La trace de tes pas, qui m’ont appartenu !
Des merveilles du monde abrégeant la lecture,
N’ai-je pas sous tes yeux resserré la nature,
Et peut-elle à présent m’offrir une beauté
Qui ne me parle pas de ce que j’ai quitté ?
Partout, de leurs reflets argentant ton image,
Les lacs me rediront notre flottant voyage,
Et je verrai ton voile autour de moi rouler,
Dans l’écharpe des eaux, que le vent fait trembler.
Ces brouillards qui, des monts couronnant l’édifice,
Y suspendent les plis de leur brumeux caprice,
Puis-je, en me souvenant que tu les admirais,
Ne pas les transformer, pour leur donner tes traits’?
Puis-je, à travers les bois et leurs vertes arcades,
Voir un fleuve effréné secouer ses cascades,
Voir, dans des murs de fleurs, un ruisseau prisonnier,
De ses grappes d’écume émailler l’ébénier,
Voir des rocs tailladés les fantômes sauvages,
De leurs dents de granit morceler les nuages :
Puis-je rien voir enfin, rien voir, rien admirer,
Sans y graver des yeux ton nom, pour l’adorer ?
Où me réfugier s’il faut, dans ma folie,
Emporter de mes maux ton image embellie,
Ta grâce, ton regard, que mon âme a gardé,
Tout ce qui fait mourir, quand on l’a possédé ?