Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/607

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Que j’ai tenté de mers, qui n’avaient point de phare !
Et quel gouffre aujourd’hui du bonheur me sépare !
Un gouffre, un Océan, qu’on n’a jamais franchi.
A quoi bon voyager, par le chagrin blanchi,
Des jardins de Pétrarque aux trois mondes du Dante ?
Pour qui ferais-je encor vibrer leur lyre ardente ?
Quand je me nourrissais de leur miel étranger,
Un convive avec moi venait le partager :
Maintenant je suis seul ! l’heure, d’un vol aride,
Tourne, sans rien changer, dans ma retraite vide :
Et chaque instant du jour semble prendre une voix,
Une voix sans pitié, qui me crie : Autrefois !
Autrefois si légère, aujourd’hui si cruelle,
Chaque heure m’a vu vivre avec elle et pour elle.
Ifélas ! elle a brisé ma couronne de roi ;
Elle a flétri la terre, en me manquant de foi.

Si tu savais, ami, combien elle était belle,
Et combien j’étais fier de la croire fidèle !
La gloire lui plaisait : et, de ses yeux sacrés,
Mes vers, comme un regard, descendaient inspirés.
A force de la voir et de l’aimer sans cesse,
J’avais presque fini par croire à sa promesse.
J’y croyais ! qui n’eût pas partagé cette erreur,
A voir ses yeux émus se troubler de terreur,
S’il fallait, malgré moi, rappelé vers la ville,
Quitter, pour un seul jour, son chalet d’Horbeville ?