Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/614

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D’ouvrir, un jour plutôt, la grille de ma geôle.
Je ne sus même pas remplir ce pauvre rôle.
J’allai bien, dans Paris, voir comment on mourait :
Mais je revins ; je crus ce qu’elle m’assurait,
Et, crédule à ses pleurs, je promis d’être lâche,
Et de ne point aider le peuple dans sa tâche,
D’écouter la bataille, au lieu de m’y mêler.
Enfant, qui n’ai pu voir un regard se troubler,
Qui n’ai point, sous le masque apercevant le crime,
Compris que sa pâleur n’était qu’un jeu d’escrime !
Enfant, qui n’ai pu voir, qui n’ai pu deviner,
Qu’elle me conservait, pour mieux m’assassiner !
Au fait, qui n’eût pas dit, parmi ceux dont le zèle
Se dispute le char, où sa main les attèle,
Que je ne l’aimais pas tant que la liberté ?
Quel affront, quel larcin fait à sa vanité !
C’était voler mon sang à sa coquetterie :
H faut qu’on reconnaisse, à mon idolâtrie,
Que c’est elle qui tue, ou permet d’exister.
Il lui faut une mort, qui puisse la flatter,
Qui serve à relever la fadeur de ses charmes :
Le sang ne s’éteint pas si vite que les larmes.

Tu vois à quel degré je fus faible : comment,
Je n’ai pu, malgré moi, m’abuser un moment :
Et comment, aujourd’hui, ma délivrance esclave
Traîne encore à genoux le joug qui me déprave !