Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/616

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Adieu, Soumet, adieu ! Demain l’air du voyage
Chassera de mon front quelqu’indigne nuage :
Il redeviendra pur aux éclairs du canon.
Quant à toi, mon ami, que je revienne ou non,
Garde bien dans ton sein l’aveu de ma bassesse :
Ne répète jamais quelle fut ma faiblesse.
Dis que je suis parti par générosité,
Par respect pour la gloire et pour l’humanité,
Las de voir le poète, où la guerre moissonne,
Jeter toujours une hymne, et jamais sa personne.
Que l’être perverti, qui m’a tant dégradé,
Ne sache pas surtout à quel vœu j’ai cédé !
Qu’elle apprenne au contraire, en son indifférence,
Que j’étais consolé, quand j’ai quitté la France :
Que j’estimais l’amour à peu près ce qu’il vaut :
Que je n’y songeais pas, que j’en riais tout haut…
De mes lâches fureurs cache-lui le délire :
Elle jouirait trop de son stupide empire.
Si je meurs, chante-moi : mais brûle tous ces vers,
Que marque, avec son nom, le cachet de mes fers ;
Qu’elle ne pense pas, que je suis mort pour elle !
Dis qu’avant d’expirer, mon œil pâle et rebelle,
Pour n’y pas voir ses traits, s’est détourné des cieux.
Dis que je n’ai trouvé, digne de mes adieux,
Que ton nom, que celui d’une sœur ou d’un frère,
Qui tombait de mon sang avec celui d’un père :
Comme un affront pour moi, cache la vérité :
Dis que mon dernier cri fut pour la liberté,