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« Vive l’humanité ! Vive la République ! » et tombe enfin, percé de balles, avant d’avoir pu achever de jeter son généreux cri pour la troisième fois !

Qui donc avait ainsi pu savoir que Millière, habitant ordinairement rue des Martyrs, était en ce moment chez son beau-père ? Qui donc avait ainsi suivi ses pas ? Qui donc avait pu envoyer d’une façon si précise ce piquet de soldats, dont Millière était certainement inconnu ? Qui, enfin, avait tellement combiné ce meurtre, que, dans la crainte que les soldats ne le pussent trouver, une escouade d’agents de police se présentait peu après, toujours rue d’Ulm, pour s’emparer de la victime, en cas qu’elle eût échappé au premier groupe d’assassins ?

Qui ? demande-t-on.

Qui ? si ce n’est le misérable dont il avait dévoilé les turpitudes ; celui dont il avait arraché le masque de fausse austérité ; celui enfin qui fut obligé d’avouer ses infamies quelque temps après, devant le tribunal où il vint déposer comme témoin contre un de ses anciens amis[1].

Ce nom, il est inutile de l’écrire ici. Il est tracé, en lettres de sang et de boue, dans les pages les plus honteuses de notre histoire[2].

Pour donner le change à l’opinion publique, on supposa une fausse pièce, émanant du Comité de salut public et dans laquelle on instituait Millière chef de fuséens, chargés, disait-on, d’incendier la ville ; on ajouta même qu’il avait fait fusiller 35 gardes nationaux qui avaient refusé de marcher. Mais, outre qu’il n’y eut jamais de fuséens, et qu’aucun garde national n’a été fusillé au Panthéon, par ordre d’aucun officier

  1. Voir le procès Laluyé, dans la Gazette des Tribunaux, derniers jours de septembre 1871.
  2. Si les renseignements qui nous parviennent à la dernière heure sont exacts, il ne serait pas impossible qu’un jour, s’il vit encore à cette époque, le misérable faussaire et assassin dont nous parlons ici, n’eût quelque étrange et terrible vision, de nature à le faire réfléchir sur le danger qu’il y a, en matière d’assassinat, à ne pas opérer soi-même.