plus de cent mille hommes ayant à leur tête les principaux chefs des clubs, sont venus sommer le gouvernement de prendre enfin une attitude plus révolutionnaire.
S’adressant surtout à l’élément dans lequel le peuple a le plus de confiance : Ledru-Rollin, Flocon, L. Blanc et Albert, les manifestants leur ont proposé de les renforcer de collègues plus énergiques, d’éliminer les Marie, les Arago, les Garnier-Pagès, les Marrast et les Crémieux, qui inspirent de légitimes défiances.
Mais les premiers ont refusé — nous dit-on — dans la crainte d’être débordés à leur tour par ceux qu’on veut leur adjoindre. S’empressant même de profiter des vaniteuses rancunes de Barbès contre Blanqui, ils ont obtenu le désistement de celui-là et ravivé les dissentiments que les séparent. Si bien que les manifestants, discutant au lieu d’imposer, sont revenus bredouille… tout comme ceux de la veille !
En somme, la réaction bourgeoise se sent protégée et c’est pour elle le point important.
Déjà, dans son journal La Presse, Émile de Girardin pose hardiment cette question aux républicains :
« Si la Constituante, issue du suffrage universel, considérée par vous comme une manifestation souveraine de la volonté nationale, proclame autre chose que la République, que ferez-vous ? »
Cette question trouble singulièrement ceux qui ont niaisement élevé le suffrage universel à la hauteur d’un principe seul capable d’affirmer le Droit…, et surtout de l’étouffer, ajoutent mentalement les malins, dont Girardin se fait le porte-voix.
J’étais le soir au club du « Salon de Mars » quand la question se posa. Elle fut chaudement discutée. Comme la discussion menaçait de s’éterniser, le président du club, fougueux méridional devenu républicain en vingt-