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vertu et sa grâce), Monsieur le Marquis de Varanbon, de qui j’ay parlé cy devant, lequel estoit destiné à estre d’Eglise, demeurant avec son frère Monsieur de Balançon en mesme maison, devint, par l’ordinaire frequentation qu’il avoit avec Madamoiselle de Tournon, fort amoureux d’elle, et n’estant point obligé à l’Eglise, il desire l’espouser. Il en parle aux parents d’elle et de luy. Ceux du costé d’elle le trouverent bon ; mais son frere Monsieur de Balançon, estimant plus utile qu’il fust d’Eglise, fait tant qu’il empesche cela, s’opiniastrant à luy faire prendre la robbe longue. Madame de Tournon, très-sage et très prudente femme, s’offençant de cela, osta sa fille Madamoiselle de Tournon d’avec sa sœur Madame de Balançon, et la prit avec elle. Et comme elle estoit femme un peu terrible et rude, sans avoir esgard que cette fille estoit grande et meritoit un plus doux traitement, elle la gourmande et crie sans cesse, ne luy laissant presque jamais l’eil sec, bien qu’elle ne fist nulle action qui ne fust tres louable. Mais c’estoit la severité naturelle de sa mere. Elle, ne souhaitant que se voir hors de cette tyrannie, reçeut une extreme joye quand elle vit que j’allois en Flandre, pensant bien que le Marquis de Varanbon s’y trouveroit, comme il fit, et qu’estant lors en estat de se marier, ayant du tout quitté la robbe longue, il la demanderoit à sa mère, et que par le moyen de ce mariage elle se trouveroit delivrée des rigueurs de sa mere.

A Namur, le Marquis de Varanbon et le jeune Balançon son frere s’y trouverent comme j’ay dit. Le jeune de Balançon, qui n’estoit pas de beaucoup si agreable que l’autre, accoste cette fille, la recherche, et le Marquis de Varanbon, tant que nous fusmes

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