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Page:Legendre - Les hommes du jour Honoré Mercier, 1892.djvu/19

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déparé le sénat romain, aux temps des rudes et fortes harangues viriles qui appartenaient au génie sévère de la vieille république, et dont un Caton n’a pas emporté avec lui le secret tout entier.

« Il faut l’avoir entendu, dans quelqu’un de ces beaux jours où l’orateur se surpasse lui-même et se révèle tout entier. Il y a du commandement dans cette éloquence large, un peu lente et sonore, qui broie un à un les arguments de l’adversaire, captive l’attention des auditeurs les moins dociles ou les plus prévenus, et maîtrise malgré elles les passions d’une assemblée hostile… »

Et ailleurs :

« Les derniers événements ont montré, de façon à surpasser l’attente même de ses amis, à quel point M. Mercier possède les éminentes qualités d’un chef politique : l’habileté, la décision, la clairvoyance, les larges horizons de l’homme d’État qui envisage, au-delà du succès du jour, les nécessités du lendemain, la loyauté qui fait naître la confiance dans les cœurs et qui rend les alliances durables. Mais ce que tout le monde avait vu et compris, dès le premier jour, c’est que M. Mercier était, par essence, un chef populaire.

« Nul n’excelle autant que lui à s’adresser aux sentiments du peuple, à le convaincre, à l’électriser. D’autres ont pu y mettre plus de brio et provoquer des entraînements passagers ; M. Mercier ne se contente pas de séduire, il persuade. Il ne se borne point à paraître dans les comtés et à y recueillir des applaudissements ; après avoir triomphé sur les hustings par la chaleur pénétrante de sa parole et la mâle puissance de sa logique, il conquiert les esprits un à un, il discipline son parti et il organise la victoire…

« À contempler cette large nature, cette physionomie rayonnante de force, de franchise et de volonté, ce type si expressif qui paraît avoir conservé quelque chose de l’empreinte des médailles romaines, on sent, à première vue, qu’on a en face de soi une puissance. Quand on a pénétré de plus près, quand, sous la rigidité apparente de l’orateur, on a été à même de reconnaître et d’apprécier la chaleur de l’âme, la spontanéité de la passion, l’affabilité du caractère et, disons le mot, cette bonhomie véritable qui ne s’allie bien qu’avec la force, on n’est point surpris du prestige que M. Mercier a su acquérir auprès du peuple.

« Et cependant, il y a, à cette communion intime entre lui et le cœur de la nation, une autre raison qui complète les heureux dons de