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Page:Legendre - Les hommes du jour Honoré Mercier, 1892.djvu/7

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HONORÉ MERCIER



C’était en 1861. Le R. P. Larcher, professeur de rhétorique au collège Sainte-Marie, de Montréal, avait préparé une grande séance publique à l’occasion de je ne sais plus quelle fête.

Au cours de cette séance, quatre élèves devaient successivement faire l’éloge d’une arme de guerre, pendant qu’un cinquième était chargé de faire le résumé et de prononcer le jugement. Buteau Turcotte faisait valoir l’arme de la cavalerie, avec cette verve caustique et ce brio superbe, maintenant, hélas ! silencieux pour jamais. Charles DeLorimier, aujourd’hui juge de la cour supérieure, exaltait, avec les mouvements d’une grande éloquence, le mérite et l’importance de l’infanterie, tandis que Ferréol Dubreuil prouvait surabondamment, autant que je me le rappelle, l’excellence de l’artillerie. Quant à moi, quatrième, je démontrais, avec une égale clarté, que le génie est au-dessus de toutes les autres armes et que les mines, les escarpes et les contrescarpes sont des choses absolument indispensables. L’élève chargé de faire le résumé et de prononcer jugement, — grave et calme, assis sur un fauteuil de juge, — c’était Honoré Mercier.

Lorsque le dernier des quatre discours eut pris fin, Mercier se leva, s’avança lentement jusqu’au bord de la scène, — car nous étions sur une véritable scène, — et promena pendant quelques secondes ses regards sur l’auditoire. Ce n’était pas l’homme d’aujourd’hui, avec sa taille puissante annonçant la force et le calme de la maturité : il avait la même stature, mais la minceur de la jeunesse et cet air un peu embarrassé qui distingue tous les collégiens.

La position était assez difficile. DeLorimier, avec ses accents chauds et vibrants, avait créé une profonde impression. Se faire écouter après lui, et surtout après quatre longs discours, n’était pas une tâche ordinaire. Mercier le sentait parfaitement ; aussi ses