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Page:Legendre - Sabre et scalpel, 1872.djvu/32

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ALBUM DE LA MINERVE.

C’était un pas de plus que Giacomo venait de faire.

Aussitôt qu’il eût fini sa romance, il se leva, et sans vouloir écouter les paroles d’admiration que lui prodiguait Maximus :

— Je me suis oublié, dit-il, pendant que mon pauvre ami peut avoir besoin de moi là-haut ; pardon, si je m’y rends de suite.

Ernestine et Céleste s’étant retirées, il alla s’établir dans la chambre de Gilles, pendant que Maximus s’étendait dans l’un des fauteuils de sa bibliothèque, devant le feu de grille, prêt à offrir ses services, en cas de besoin.

Vers onze heures la crise prédite se déclara.

Maximus, averti par Céleste qui était restée aux écoutes, se précipita vers la chambre du malade. Gilles paraissait être en proie à un violent délire. Giacomo mélangeait des remèdes et multipliait les applications ; Maximus se mit à le seconder de son mieux. Le jeune médecin parlait bas avec cette intonation brève et solennelle qui indique une circonstance grave.

Enfin au bout d’une heure la crise parut diminuer ; Giacomo parvint à faire avaler une potion au malade qui se calma tout-à-coup ; et sembla tomber dans un profond sommeil.

Giacomo mit un doigt sur sa bouche, fit signe à Maximus de le suivre et sortit de la chambre.

Grâce à Dieu, dit-il, quand il se retrouvèrent dans la bibliothèque, tout danger est passé, et maintenant, je réponds de mon malade, Dans trois jours il sera sur pieds.

Maximus prit les mains du Docteur.

— Je ne puis pas dit-il, vous remercier comme je le voudrais ; mais croyez-moi, jeune homme, — à mon âge on n’est plus enthousiaste — cette guérison restera là comme un service de votre part que je n’oublierai jamais.

Et Maximus appuya la main sur son cœur avec un geste si vigoureusement pathétique, que Giacomo eut toutes les peines du monde à s’empêcher de sourire.

— Je vous crois, monsieur, fit-il, après s’être un peu recueilli ; je vous connais maintenant assez pour savoir ce que valent vos paroles, jusqu’où peuvent aller vos bons sentiments.

Mais il est un peu tard, ajouta-t-il, et vous avez besoin de repos. Il faut d’ailleurs que je parte moi-même de grand matin. Bonsoir, et soyez sans inquiétude.

Maximus se retira enchanté, et Giacomo alla se reposer sur un lit qui fut dressé dans la chambre de Gilles.

Le lendemain, quand Maximus se leva, le Docteur était parti depuis longtemps et Gilles avait une apparence qui promettait une prompte convalescence.

Maximus bénit Giacomo pour la dixième fois, et, dans la journée, se fit dicter par sa nièce, une lettre bien tournée, qu’il adressa au jeune médecin accompagnée d’un rouleau de vingt-cinq louis.

Il ne faut pas, pensait-il, qu’il me prenne pour un croquant.

(À continuer.)