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Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/101

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calme et plus sévère. Elle veut que les œuvres qu’elle consacre reposent sur un fonds de vérité, de bon sens et d’émotion sincère. Or, Rousseau touche rarement, et souvent choque la raison. Est-ce de là que vient le sentiment presque général d’antipathie qu’il inspire ? Je ne sais. Mais, en dépit de son génie et de ses services, Jean-Jacques Rousseau n’est pas aimé. Il n’a pas les cœurs, selon l’expression de Bossuet.

Pourquoi ? Votre intéressant ouvrage nous l’apprend, mon cher ami. Vous nous peignez toutes les femmes dont Rousseau a été épris. Or, que ressort-il de votre étude ? Qu’il n’a eu que des amours de tête et de sens. Par je ne sais quelle fatalité, ce malheureux homme n’a pas plus connu la pure tendresse d’une jeune fille, que la sainte affection d’une mère et d’une sœur. Ses passions même ont toujours, par la force des circonstances, quelque chose de frelaté et d’artificiel. Quoi de plus hétéroclite que son ménage à quatre avec Mme d’Houdetot, que vous nous contez si joliment ! Ce n’était de sa part qu’un incroyable amalgame de sensualité et de rhétorique. Il lui écrit des lettres brûlantes, qu’il sait brûlantes, et dont il se ressert ensuite dans sa Nouvelle Héloïse.