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Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/144

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d’une faute qui se répand sur la tragédie entière comme une tache. Racine a fait Hippolyte amoureux ! Hippolyte ! ce type si pur, si austère ! Ce jeune homme qui touche au demi-dieu ! Cet adolescent qui semble un jeune frère de Diane ! M. Schlegel s’est indigné de cet amour comme d’une profanation, et il avait raison. Et cependant c’est de ce crime de lèse-poésie qu’est sortie cette merveille poétique. Car, faire Hippolyte amoureux, c’était faire Phèdre jalouse. La jalousie ! Voilà le trait de génie, voilà l’élément nouveau et fécond jeté dans le drame antique ! La jalousie, ajoutant une torture à tant de tortures, entre comme une trombe de feu dans cette âme déjà dévastée ! Comment y entre-t-elle ? Par un de ces coups de théâtre dont nos maîtres ont le secret ! C’est Thésée qui apprend à Phèdre l’amour d’Hippolyte pour Aricie ! C’est de la bouche de Thésée, c’est sous le regard de Thésée,... qu’elle reçoit en plein cœur ces terribles paroles :

 
Aricie a son cœur ! Aricie a sa foi !
Il me l’a dit...


Sous ce coup, éclate en elle une effroyable tempête. C’est je ne sais quel mélange de cris de douleur et de cris de rage,... de sanglots