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Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/277

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rien de ses principes, et comme il eut le tact de ne pas les afficher, comme, en outre, il apporta dans son travail, une conscience, une science, une sûreté de renseignements, une largeur d’idées véritablement rares, le souverain, qui l’avait d’abord pris en goût, le prit bientôt en amitié ; il devina peu à peu dans son collaborateur littéraire un précieux auxiliaire politique, et il le fit entrer dans son gouvernement.

Il n’eut pas lieu de s’en repentir. Peu de ministres de l’Instruction publique ont rendu autant de services que M. Duruy. Il porta, dans une fonction nouvelle pour lui, cette passion du bien qui fait de l’ambition une vertu.

J’allais assez souvent le voir au ministère. Sur une des parois de son cabinet s’étalait, à la première place, une grande carte de France, où les départements étaient teintés de trois couleurs différentes : blanc, gris, noir.

« Voyez-vous, me dit-il un jour. Voilà l’objet perpétuel de mon étude. Voilà mon champ de bataille ! Les départements teintés en blanc sont ceux où l’on sait très bien lire ; les gris, ceux où on lit à peu près ; les noirs, ceux où on ne lit pas. Eh bien ! je suis devant cette carte, comme les conquérants devant le pays