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Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/324

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Allez donc parler de l’infériorité de la race noire, quand vous voyez sortir d’une famille d’esclaves trois pareils exemplaires de l’homme !

L’aïeul a fourni le moule et le métal. Le métal est solide, le moule est superbe. Six pieds de haut ! Une musculature à la Michel-Ange ! Une forêt de cheveux noirs, crépus, entortillés, se tenant debout et formant couronne autour de sa tête ! Des yeux à la fois noirs et étincelants, comme des charbons allumés. Un teint d’ébène poli, des dents de coco, des lèvres couleur de sang ! Le dedans est pareil au dehors : on dirait que le soleil des Antilles a fait pousser en lui des qualités d’audace, d’énergie, de passion, gigantesques comme les végétations tropicales. À cheval, c’est un centaure ; à pied, c’est un hercule ; dans la bataille, c’est un héros.

Arrive celui qui sort de lui. Le type a un peu baissé. Cinq pieds dix pouces… pas plus ! Mais c’est la même exubérance de vie, le même bouillonnement de sève, le même esprit d’aventure héroïques ! Seulement, le fils a changé d’arme. Au lieu d’une épée, une plume. Mais, quelle plume ! Créatrice, féconde, jetant dans le monde tout un peuple d’êtres où revit son