Page:Legouvé - Le Mérite des femmes, 1838.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’homme sensible et tendre à la vive allégresse
Préfère la langueur d’une douce tristesse.
Il la demande aux arts : suivons-le dans ces lieux
Que la peinture orna de ses dons précieux ;
Il quitte ces tableaux où le pinceau déploie
D’une fête, d’un bal la splendeur et la joie,
Pour chercher ceux où l’art, attristant sa couleur,
D’un amant, d’un proscrit a tracé le malheur.
De la toile attendrie, où ces scènes sont peintes,
Son âme dans l’extase entend sortir des plaintes,
Et son regard avide y demeure attaché.

Au théâtre surtout il veut être touché.
Voyez-vous, pour entendre Emilie, Orosmane,
Phèdre en proie à l’amour qu’elle-même condamne,
Comme un peuple nombreux dans le cirque est pressé ?
Chacun chérit les traits dont il se sent blessé ;
Chacun aime à verser sur de feintes alarmes,
Sur des désastres faux, de véritables larmes ;
Et loin du cirque même, en son cœur, en ses yeux,
Garde et nourrit longtemps ses pleurs délicieux.
Quel est, en le lisant, l’ouvrage qu’on admire ?
L’ouvrage où l’écrivain s’attendrit et soupire :
L’Iliade, d’Hector peignant le dernier jour ;
Les vers où de Didon tonne et gémit l’amour ;
Les plaintes de Tancrède et les feux d’Herminie ;