Du pourpre des raisins et de l’or des guérets
L’aspect riant, d’abord, a pour nous des attraits ;
Mais que nous préférons l’épaisseur d’un bois sombre !
C’est là qu’on est heureux ! là, le soleil et l’ombre,
Qui, formant dans leur lutte un demi-jour charmant,
Ménagent la clarté propice au sentiment ;
Mille arbres qui, penchant leur tête échevelée,
Tantôt dans le lointain allongent une allée,
D’un dédale tantôt font serpenter les plis,
Dessinent des bosquets, ou groupent des taillis ;
Enfin le doux zéphyr, qui, muet dans la plaine,
Gémit dans les rameaux qu’agite son haleine ;
Tout dispose à penser, invite à s’attendrir ;
Sous ces dômes touffus le cœur aime à s’ouvrir ;
Et, conduit par leur calme aux tendres rêveries,
Se plaît à réveiller ses blessures chéries.
Sous ces bois inspirants coule-t-il un ruisseau,
L’émotion augmente à ce doux bruit de l’eau
Qui, dans son cours plaintif qu’on écoute avec charmes,
Semble à la fois rouler des soupirs et des larmes.
Et qu’un saule pleureur, par un penchant heureux,
Dans ces flots murmurants trempe ses longs cheveux :
Nous ressentons alors dans notre âme amollie
Toute la volupté de la mélancolie.
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