Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/157

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Tout n’est pas roses dans la vie ! Puis tout à coup se retournant vers la maîtresse de la maison à côté de laquelle il était assis, et qui frisait la soixantaine, il ajouta d’un air galant : Tout n’est pas vous ! Par exemple, il ne fallait par marcher sur les pattes de ce tourtereau. Il se changeait subitement en oiseau de proie ! Il y allait comme un furieux, du bec et des griffes ! Quel batailleur ! quel enragé ! Voici un trait qui le peint. Il ne voulut jamais apprendre l’escrime… « Avec ma mauvaise tête, disait-il, si j’étais habile à l’épée, je me ferais l’effet d’un spadassin. » Il eut dix ou douze duels dont il se tira toujours à force de témérité. Une de ces rencontres est devenue célèbre. Se battant avec Martainville au Champ de Mars, il se jeta sur lui avec tant de furie que Martainville, tout brave qu’il fût, recula, et en reculant tomba dans un des fossés latéraux du Champ de Mars. Dupaty y tomba avec lui ! Et les voilà tous deux se fourrageant dans ce trou, à bras raccourcis ! Heureusement ils étaient trop rapprochés pour pouvoir s’atteindre ; leurs coups passaient toujours à côté, si bien que quand on les retire de là, par force, on trouva les parois glaiseuses du fossé, toutes lardées de coups d’épée. Quelqu’un qui aurait pu parler en connaissance de cause de l’impétuosité de Dupaty, c’est Lucien, le frère de l’empereur. Ne s’avisa-t-il pas, se fiant à sa qualité de prince, de faire la cour à la charmante actrice du Vaudeville, M. de Belmont, qui était la maîtresse connue de Dupaty ? Dupaty n’y alla pas de main morte. Ayant trouvé le prince chez sa maîtresse, il le menaça de le jeter par la