Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/199

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chefs de la Montagne assistèrent à la représentation. Robespierre occupait une première loge d’avant-scène ; Danton était à l’orchestre et derrière lui s’échelonnaient tous ses amis. A peine le mot de Mort au tyran ! fut-il prononcé, que, sur un signal de Danton, ses amis, éclatant en bravos frénétiques, se tournèrent vers Robespierre, et debout, les poings tendus, lui renvoyèrent ce terrible cri de vengeance. Robespierre pâle, agité, avançait et retirait sa petite mine d’homme d’affaires (je tiens le mot de M. Lemercier, témoin de la scène) comme un serpent allonge et rentre sa tête plate et irritée. La pièce finie, tous les amis de mon père coururent à lui, en lui disant : « Sauvez-vous ! cachez-vous ! vous êtes perdu ! Robespierre ne vous pardonnera jamais cet effroyable anathème. » Mais on n’abandonne pas volontiers un succès pareil, on ne fuit pas devant un triomphe. Mon père resta, et son acte de courage lui réussit comme son cinquième acte. Robespierre pensait trop à Danton pour penser au poète. Il ne fut pas inquiété.


IV

Vient enfin la Mort de Henri IV. La Mort de Henri IV fut presque un événement littéraire et un événement politique. Quand mon père fit part à ses amis de son