Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/402

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Or, cette période de trente ans a vu s’accomplir les modifications les plus profondes dans ces trois formes d’ouvrages.

Au théâtre et dans le roman, les sujets, le style, les mœurs, le goût du public, le jeu des acteurs, l’expression des sentiments, la mise en scène, ont tellement changé, que presque rien de ce qui plaisait alors ne plaît plus aujourd’hui. Il y a un mot qui a force d’arrêt, c’est le mot démodé.

La parole libre est devenue un des grands moyens d’instruction et de distraction.

L’éducation publique et privée subit une évolution qui ressemble fort à une révolution.

Enfin dans la famille, les rapports des membres entre eux se sont comme renouvelés par l’entrée en scène, au premier rang, de deux personnalités restées jusqu’alors dans la demi-ombre, les femmes et les enfants.

Témoin et acteur dans ces divers changements, j’y ai rencontré encore sur ma route des maîtres illustres : Scribe pour le théâtre, Lamartine pour la poésie, Jean Reynaud pour la philosophie morale ; pourtant il est quelqu’un dont je dois parler avant eux, quelqu’un dont l’influence, pour être latente et invisible, n’en a pas été moins puissante sur moi, quelqu’un que je n’ai pas connu, et qui cependant m’a poussé, guidé, je n’ose dire inspiré, cinquante ans après sa mort, c’est mon grand-père.

Les questions d’hérédité intellectuelle et morale m’ont toujours singulièrement attiré et troublé. Il y a là un côté mystérieux où la raison se perd. Ces ressemblances