Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/438

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définitive, par un merveilleux coup d’audace et d’invention.

Goubaux avait sur l’éducation publique des idées, très acceptées aujourd’hui, grâce à son initiative, mais bien nouvelles et bien hardies quand il osa les formuler pour la première fois. Ce qui le frappait avant tout, c’était le désaccord entre l’enseignement de l’État et l’esprit de la société moderne. D’un côté, il voyait le monde tendre de plus en plus vers l’industrie, le commerce, l’agriculture, les sciences appliquées ; il entendait beaucoup de pères désirer pour leurs enfants une profession industrielle et réclamer à cet effet des études spéciales ; et, en même temps, il remarquait que l’éducation universitaire ne répondait en rien à ce besoin ; la littérature en était le seul objet ; il n’y avait pas d’enseignement professionnel. Cette anomalie choquait l’esprit essentiellement moderne de Goubaux, cette lacune le tourmentait ; il sentait là depuis longtemps une création à faire ; mais comment y parvenir ? Tout lui était obstacle ; d’abord son institution même : ses élèves suivaient les cours du collège. Comment introduire l’éducation nouvelle dans cet établissement sans le détruire, et comment résister à sa destruction ? Puis, que de difficultés préliminaires et insurmontables ! L’Université ne s’élèverait-elle pas contre cette innovation ? Le ministère de l’instruction publique la permettrait-il ? Ni M. J. Simon, ni M. Duruy n’étaient ministres alors, et M. Villemain m’avait dit à moi : « Un collège français en France, jamais ! » De plus, n’entendait-on déjà de toutes parts les protestations d’une