Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/445

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et le seul moyen pour la Ville de Paris de s’acquitter vis-à-vis de lui.

« Vous avez cent fois raison, reprit M. Thiers avec cette vivacité spontanée qui était un de ses charmes » ; puis, se retournant vers M. Barthélemy Saint-Hilaire : « Vous entendez, Saint-Hilaire, veuillez écrire au préfet de la Seine que j’exige ce que Legouvé me demande. » M. Barthélemy Saint-Hilaire écrivit, le préfet reçut la lettre, y répondit, et puis… rien ne fut fait. Mais ce n’est pas tout. On sait avec quelle sympathie nos édiles s’empressent de perpétuer sur les murailles de Paris le souvenir des hommes qui ont brûlé Paris. Eh bien, il a été impossible d’obtenir d’eux qu’on inscrivît le nom de Goubaux sur une des modestes rues qui avoisinent le collège Chaptal. Ne semble-t-il pas que la fatalité qui a pesé sur sa vie, le poursuive après sa mort, que l’ingratitude publique continue l’acharnement du sort contre lui ? N’importe ! Qu’ils effacent, s’ils le veulent, son nom de son œuvre, l’œuvre n’en est pas moins debout ! Goubaux n’en est pas moins le créateur de l’enseignement professionnel en France ! Gardons-nous donc d’attacher je ne sais quel crêpe de deuil à son souvenir. Il ne nous le pardonnerait pas, lui qui opposa toujours à toutes les bourrasques de la fortune un front non seulement impassible, mais un front riant. Je puis dire, en effet, que je n’ai jamais connu un homme si gai que cet homme si malheureux. Du fond de ses plus sombres angoisses, il lui partait parfois soudainement un éclat de rire, comme un rayon de soleil perce et dissipe un amas de nuages. Dans une lettre à ma fille, après le récit d’un