Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/562

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Cette lettre, quoique un peu railleuse, était si aimable qu’elle me combla de joie. Je serrai ce précieux billet comme un trésor, mais toujours sans me faire connaître. J’attendais la comète… Je l’attendis en vain ; elle ne fit peur à personne et me laissa vis-à-vis de Scribe dans la position de M. ***.

On m’eût bien étonné alors, si l’on m’eût dit que, quelque vingt ans plus tard, je deviendrais son collaborateur et son ami, que j’assisterais à ses plus beaux triomphes, que je prendrais part à quelques-uns, et qu’enfin, à plus de soixante ans de distance, je prendrais la plume pour le défendre contre le dédain et l’oubli. Ce n’est pas son apologie que j’entreprends ; je ne récriminerai pas, je ne le surferai pas, je ne dissimulerai pas les côtés faibles de son talent. Je me contenterai de le peindre tel que je l’ai vu pendant tant d’années, à l’œuvre, dans son cabinet, causant, écrivant, m’initiant à sa méthode de travail en travaillant avec moi, et je laisserai à ses œuvres et à la postérité de soin de le remettre à sa place.


I

La théorie des milieux est fort à la mode aujourd’hui. Elle me paraît avoir une grande part de vérité. L’endroit où nous naissons, les circonstances du milieu desquelles