Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/577

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une comédie en cinq actes, le Puff, avant Adrienne, et enfin Montigny jette le cri d’alarme, parce que Charlotte Corday est tombée, et il veut que je lui achève la Déesse… une pièce en trois actes, avec musique, couplets, et où j’ai Saintine pour collaborateur. Je ne sais pas si les Dieux sont ennuyeux… mais que cette déesse-là m’a ennuyé ! Je m’y suis mis avec désespoir… travaillant depuis cinq heures du matin jusqu’au soir. J’ai achevé assez hardiment les deux premiers actes, mais alors je me suis senti éreinté et j’ai écrit à Saintine de venir à mon aide pour le troisième acte. Il est venu ! Il a vu ! Mais il n’a pas vaincu ! Il faut tout refaire !… Et pendant ce temps-là, Adrienne, que j’aime que j’aime seule…, attend !… Et vous attendez aussi, vous !… Mais je ne m’engagerai pour le Puff qu’avec votre permission, mon maître. J’ai voulu vous expliquer nettement ma position. Maintenant, si mes raisons ne vous semblent pas bonnes, si vous ne voulez pas me donner congé jusqu’en octobre, si ce retard vous fait de la peine, écrivez-le-moi. Cette raison-là sera plus puissante que toutes les miennes. »

Est-il possible d’avoir plus de bonhomie, plus de bonne grâce ? Et qu’on songe que Scribe était alors en pleine gloire, et que moi je n’étais presque qu’un débutant ; aussi, lui répondis-je : « Cher ami, votre lettre m’a bien plus touché que notre retard ne m’afflige… Votre crainte de me faire de la peine m’a été au cœur. Faites donc votre opéra comique, faites votre Déesse ! faites votre Puff ! Et pendant ce temps-là, moi, j’écrirai nos deux premiers actes, que je vous porterai,