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VIII

Ces souvenirs resteraient bien incomplets, si je ne montrais en Scribe l’homme et l’ami. Ce serait plus que de l’inexactitude, ce serait de l’ingratitude.

M. Thiers me disait un jour de lui-même : « Somme toute, je suis une bonne créature. »

Je peindrai Scribe d’un mot : C’était un bon homme. Oui ! tous les sens de ce mot charmant lui étaient applicables. Un bon homme est simple, un bon homme est naïf ; pas toujours, mais quelquefois, un bon homme est modeste ; Scribe était tout cela. Certes, il ne pouvait pas ignorer sa valeur. Quarante ans de succès la lui avaient apprise, mais il avait l’air de l’oublier. On citait devant lui, avec force éloges, ce fameux mot de Royer-Collard : « M. de *** n’est pas un sot, c’est le sot. » Ce mot ne me semble pas si extraordinaire, dit Scribe très simplement, il me semble que j’en trouverais bien autant. » N’est-ce pas délicieux dans la bouche d’un homme qui a eu tant d’esprit, qu’on lui reprochait d’en avoir trop ? Mais voici un fait qui le peindra tout à fait au vif.

Scribe passait l’automne à la campagne chez des amis. On employait les soirées à lire des romans