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Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/20

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autre que tout ce qu’on a projetté jusqu’icy. Car on a oublié le principal qui est que les characteres de cette écriture doivent servir à l’invention et au jugement, comme dans l’Algebre et dans l’Arithmetique. Cette écriture aura de grands avantages, entre autre un qui me paroist important. C’est que les chimères que celuy même qui les avance n’entend pas ne pourront pas estre écrites en ces caractères. Un ignorant ne s’en pourra pas servir ou s’efforçant de le faire il deviendra sçavnnt par la même. Car cette écriture est instructive bien plus que celle des Chinois ou il faut estre sçavant pour sçavoir écrire. La connaissance de la langue s’avancera avec celle des choses et y servira beaucoup, et une chose pourra avoir autant de noms que de propriétés ; mais il n’y en a qu’un qui sera la clef de tous les autres, quoy qu’on n’y puisse pas tousjours parvenir dans les matières qui dependent des expériences. Cependant on approchera au moins par cette voye, autant qu’il est possible ex datis experimentis aut in potestate existentibus. On jugera même souvent quelles expériences sont encor necessaires pour remplir le vuide. Mais à fin d’arriver à ce grand dessein, il ne faut que les définitions des termes de quelque langue receue, ce qui n’est pas infini. Et cela me fait souvenir des définitions des mots qui ont esté faits dans l’Academie Françoise dont vous m’avés parlé un jour, et que je souhaiterois bien de voir. Il y aura bien d’abrégés dans l’execution : mais je ne me sçaurois expliquer la dessus en peu de mots.

Je m’appercois que la chaleur d’écrire me mene trop loin, et que tant de choses que j’entasse les unes sur les autres pourront paroistre un peu chimériques à une personne aussi exacte et aussi judicieuse que vous estes. Mais la satisfaction que j’ay de vous parler m’a emporté ; et j’espere que vous aures la bonté de prendre cette lettre pour une conversation ou il se dit bien des choses, qui on n’assujetit pas à la rigueur. Peut estre pourtant que je n’ay rien dit, dont je n’aye quelque échantillon, et dont je ne puisse demonstrer au moins la possibilité, et donner même quelque ouverture pour y arriver. Et cela est bien assés pour un homme comme moy, qui est distrait de plusieurs manières, et qui n’est pas aidé. Mais si j’avois des personnes capables de concourir avec moy, je croy que je n’ay rien dit que nous n’executerions ; et peut estre encor