Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/37

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operationum suarum), et on appelle appétition cette tendance de la monade à passer à des perceptions nouvelles de plus en plus distinctes. Les perceptions et les aperceptions forment une multiplicité et une variété dans l’unité. L’appétition fait de l’âme un automate spirituel.

(§18 — §36). On voit déjà que les monades diffèrent les unes des autres par leur degré de développement ou de perfection. À vrai dire, il n’y a pas de monades nues ; elles seraient inintelligibles et il n’y aurait pas pour elles de désignation intrinsèque ; mais il y a des monades qui sont réduites à la perception (sans aperception) et à l’appétition (sans volition) ; ce sont elles qui forment le règne végétal. Ce sont les entéléchies pures et simples.

Il y en a d’autres qui sont, comme la monade humaine, pourvues d’organes sensoriels, douées de mémoire et d’imagination, capables d’enchaîner leurs souvenirs et leurs images, selon la loi d’association, et d’imiter ainsi empiriquement le raisonnement et même la raison de l’homme : ce sont les animaux. Les animaux ne sont donc point des machines, mais il ne faut pas pour cela les assimiler entièrement aux hommes ; il leur manque la Raison et les actes réflexifs.

Celles qui possèdent ces deux nouveaux attributs sont les monades humaines, les âmes proprement dites ou les esprits. Seuls ils sont doués d’aperceptions distinctes, de conscience réfléchie ; seuls aussi ils connaissent vraiment les objets et raisonnent en s’appuyant sur les vérités nécessaires. La Raison repose sur deux principes qui la constituent tout entière : le principe de contradiction qui domine toute la logique et le principe de raison suffisante qui est l’âme de la métaphysique. Il y a deux sortes de vérités, celles de fait et celles de raisonnement. C’est d’ailleurs une remarque faite précédemment par Leibniz que nous possédons, comme les bêtes, cette sorte de raisonnement empirique et de consécution d’images qui simulent en elles le raisonnement véritable. C’est une autre remarque importante que le présent est gros de l’avenir et que chaque état psychique, ayant sa cause dans celui qui le précède immédiatement, il ne saurait y avoir de sommeil sans vagues perceptions ou sans rêves. Une perception ne peut naître naturellement que d’une perception.