Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/41

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de Dieu. Il déclare aussi que l’âme ne peut pas changer ces lois du monde et que ce serait les changer véritablement que de modifier la quantité de force ou de mouvement créée une fois pour toute à l’origine des choses. L’âme, quoi qu’en dise Descartes, ne peut même changer la direction de ce mouvement.

(§81 — §90). Les âmes agissent donc comme s’il n’y avait pas de corps et les corps comme s’il n’y avait pas d’âmes ; les âmes, selon la loi des causes finales, par appétitions, fins et moyens ; les corps, selon la loi des causes efficientes ou des mouvements.

En tant non plus que représentatives de l’univers, mais qu’images de la divinité, les âmes raisonnables constituent la Cité de Dieu, cité éternelle comme Dieu lui-même et comme les âmes qui sont non seulement impérissables, mais immortelles et conserveront toujours, avec un corps organique, de la mémoire et de l’imagination. Cette cité de Dieu s’appelle encore le Règne moral de la Grâce, en prenant ce dernier mot dans un sens tout philosophique.

Le règne de la Grâce ne fait que continuer le règne de la Nature, loin de contrarier ses lois : c’est donc mécaniquement et en vertu même de la structure de l’univers que les bonnes actions s’attireront la récompense, et les mauvaises la punition.

Cette vue complète le système de l’optimisme ; Dieu a choisi le meilleur des mondes ; le monde choisi par Dieu est moralement aussi bien que métaphysiquement le meilleur possible. L’optimisme est fondé non a posteriori et sur les faits (qui ne nous sont connus qu’isolés et incomplètement), mais a priori sur les trois attributs divins énumérés précédemment : en vertu de son intelligence, Dieu connaît le meilleur des mondes ; en vertu de sa puissance, il est capable de lui donner l’existence ; et en vertu de sa bonté, il le choisit par une nécessité morale bien différente de la nécessité métaphysique. « Tout doit réussir au bien des bons » : il ne faut donc pas jouer le rôle de « mécontents » dans la cité de Dieu ; car être persuadé que tout est pour le mieux, ce n’est pas seulement une force morale et un perpétuel encouragement, c’est encore un devoir et même, peut-on dire, le plus strict et le plus obligatoire de tous les devoirs, puisque c’est croire au bien et à Dieu.