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Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/53

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19[1]. Si nous voulons appeler Âme tout ce qui a perceptions et appétits dans le sens général que je viens d’expliquer, toutes les substances simples ou Monades créées pourraient être appelées Âmes ; mais comme le sentiment est quelque chose de plus qu’une simple perception, je consens que le nom général de Monades et d’Entéléchies suffise aux substances simples, qui n’auront que cela ; et qu’on appelle Âmes seulement celles dont la perception est plus distincte et accompagnée de mémoire.

20[2]. Car nous expérimentons en nous-mêmes un État, où nous ne nous souvenons de rien et n’avons aucune perception distinguée, comme lorsque nous tombons en défaillance ou


    ment une simple faculté active, mais aussi ce qu’on peut appeler:force, efforts, conatus, dont l’action même doit suivre, si rien ne l’empêche. La Faculté n’est qu’un attribut, ou bien un mode quelquefois; mais la Force, quand elle n’est pas un ingrédient de la substance même (c’est-à-dire la force qui n’est point primitive, mais dérivative), est une qualité qui est distincte et séparable de la substance. J’ai montré comment on peut concevoir que l’Âme est une force primitive, qui est modifiée et variée par les forces dérivatives ou qualités, et exercée dans les actions. » Enfin, Leibniz expliquera plus clairement sa pensée, quand il opposera définitivement son automate incorporel à l’automate spirituel de Spinoza. « Je dis que l’âme agit, et cependant qu’elle agit comme un automate spirituel… De même que, dans le corps, tout se fait par les mouvements, suivant les lois de la puissance, de même, dans l’âme, tout se fait par l’effort ou le désir, suivant les lois du bien… À mon avis, chaque substance est un empire dans un empire, mais dans un juste concert avec tout le reste. » (Réfut. inéd. de Spinoza, éd. Foucher de Carcil, p. 61.)

  1. Toutes les substances pourraient être appelées des Âmes. — Même difficulté que dans la distinction des perceptions et des aperceptions. Où finissent les simples Monades ou Entéléchies ? Où commencent les âmes véritables ? Il n’y a pas de réponse possible dans un système dont la loi de continuité est un des principes essentiels. Perception plus distincte, ce n’est qu’une simple différence de degré ; quant à la mémoire, n’est-elle pas la conscience continuée, inséparable, comme la conscience même, de tout acte psychique, de toute activité spontanée. « L’on ne voit pas pourquoi les hommes ont eu tant de répugnance à accorder aux corps des autres créatures organiques des substances immatérielles, impérissables, puisque les défenseurs des atomes ont introduit des substances matérielles qui ne périssent point, et que l’âme de la bête n’a pas plus de réflexion qu’un atome. Car il y a bien de la distance entre le sentiment, qui est commun à ces âmes, et la réflexion, qui accompagne la raison puisque nous avons mille sentiments sans y faire réflexion, et je ne trouve point que les cartésiens aient jamais prouvé, ni qu’ils puissent prouver, que toute perception est accompagnée de conscience. Il est raisonnable aussi qu’il y ait des substances capables de perception au-dessous de nous, comme il y en a au-dessus, et que notre âme, bien loin d’être la dernière de toutes, se trouve dans un milieu dont on puisse descendre et monter. Autrement, ce serait un défaut d’ordre, que certains philosophes appellent vacuum formarum. » (Consid. sur le Princ. de la Vie, Erdm., 431, a.) Remarquons encore que les perceptions, ainsi que l’insinue Leibniz, ne sont distinctes que grâce à la mémoire, car l’esprit ne peut les distinguer qu’en les comparant, et les comparer qu’en conservant présentes les perceptions passées : la mémoire est donc la condition de la perception distincte, et les animaux sont incapables de réflexion, parce qu’ils ne sont que des esprits momentanés (mentes momentaneæ).
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