Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/75

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fait choisir, et que sa puissance le fait produire (§§8, 78, 80, 84, 119, 204, 206, 208 ; Abr., obj. 1 et 8).

56[1]. Or cette liaison ou cette accommodement de toutes les choses créées à chacune et de chacune à toutes les autres, fait que chaque substance simple a des rapports qui expriment toutes les autres, et qu’elle est par conséquent un miroir vivant perpétuel de l’univers (§§130, 360).

57. Et comme une même ville regardée de différents côtés paraît tout autre et est comme multipliée perspectivement ; il arrive de même, que par la multitude infinie des substances simples, il y a comme autant de différents univers, qui ne sont pourtant que les perspectives d’un seul selon les différents points de vue de chaque Monade (§147).

58[2]. Et c’est le moyen d’obtenir autant de variété qu’il est possible, mais avec le plus grand ordre, qui se puisse, c’est-à-dire, c’est le moyen d’obtenir autant de perfection qu’il se peut (§§ 120, 124, 241, sqq. ; 214, 243, 275).


    même dans ses exagérations sophistiques, à la tradition leibnizienne altère complètement le bilan des biens et des maux et en falsifie le total en humanisant les seconds et en animalisant les premiers. Supprimez toute idée métaphysique, la mort devient moins redoutable (chez l’animal, elle se réduit à la douleur physique qui peut même être nulle) ; supprimez, toute idée esthétique et morale (c’est-à-dire encore métaphysique), l’amour n’est plus que l’instinct sexuel, et c’est précisément cet instinct que M. de Hartmann analyse sous le nom d’amour. Tel est le vice radical du pessimisme au point de vue théorique : il ne saurait trouver une base solide hors de l’expérience, et l’expérience lui conteste éternellement sa légitimité ; il a recours, sans l’avouer, à une métaphysique immanente (si l’on peut parler ainsi) qui est en contradiction avec ses principes et qui fausse toutes ses observations. Bref, le pessimiste comme l’optimiste fait de la métaphysique, mais l’optimiste essaye de concilier les faits (en les altérant parfois) avec les conceptions de sa raison ; le pessimiste, au contraire, modèle sur l’expérience les conceptions de sa raison, et, manquant de règle et de mesure fixes pour juger l’expérience, il l’altère par impuissance de la comprendre. Le pessimiste est un géomètre qui mesure des figures empiriquement au lieu de démontrer rigoureusement des théorèmes qui s’imposent a priori à toute figure empirique. L’optimiste transfigure et divinise la douleur ; le pessimiste parodie et animalise le bonheur.

  1. Miroir vivant, perpétuel de l’univers. — Nous avons vu que chaque monade est un microcosme, un univers en raccourci : « C’est comme dans ces inventions de perspective, où certains dessins ne paraissent que confusément jusqu’à ce qu’on les rapporte à leur vrai point de vue, ou qu’on les regarde par le moyen d’un certain verre ou miroir. C’est en les plaçant et s’en servant comme il faut qu’on les fait devenir l’ornement d’un cabinet. Ainsi les difformités apparentes de nos petits mondes se réunissent en beautés dans le grand, et n’ont rien qui s’oppose à l’unité d’un principe universel infiniment parfait : au contraire, ils augmentent l’admiration de sa sagesse, qui fait servir le mal au plus grand bien. » (Théod., §117.)
  2. Autant de perfection qu’il se peut. — C’est sur ce point que l’optimisme de