Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/8

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rares philosophes qu’ils sont obligés de connaître par eux-mêmes. Voilà l’étude du texte rejetée au second plan, bien plus, devenue gênante et réduite à une sorte de superfétation. Le commentateur s’est substitué à l’auteur : les textes rejetés honteusement à la fin du volume, dont ils ne paraissent être qu’une sorte d’appendice, ne sont plus en réalité que de très insuffisantes pièces justificatives. Il faut n’avoir jamais été soi-même écolier ou candidat, pour ne pas se douter du sort qui est réservé à ces textes inutiles et malencontreux. Tout élève et tout candidat est un Omar qui raisonne ainsi : ou le texte est conforme à l’introduction et il est inutile, ou il le contredit et il est gênant.

Conclusion : si vous voulez que nos élèves de philosophie lisent Leibniz dans le texte, gardez-vous de leur offrir un Leibniz tout étudié avant le texte ! C’est un malheur pour l’élève, parce qu’on allonge la route alors qu’il croit sincèrement qu’on l’abrège ; et c’est un malheur pour le professeur réduit à se faire (j’ai vu le cas arriver) le commentateur d’un commentateur. Voilà pourquoi, dans cette édition, on s’est contenté d’éclaircir les difficultés du texte et l’on s’est bien gardé de faire précéder ce texte d’une exposition générale de la philosophie de Leibniz. Une simple analyse des Nouveaux Essais ; un commentaire perpétuel de la Monadologie : voilà, avec une vie assez détaillée de Leibniz et des indications bibliographiques exactes et suffisamment complètes, voilà à quoi nous avons réduit, de parti pris, notre tâche d’éditeur. Il fallait analyser les Nouveaux Essais pour faire pénétrer la lumière dans cette forêt germanique, et il fallait employer le microscope pour distinguer les riches détails des cristaux à mille facettes ; qui sont les formules de la Monadologie. Mais, nous ne saurions trop le répéter aux élèves et aux candidats : mieux vaut mille fois passer une heure à s’expliquer à soi-même un texte obscur, une formule difficile, que d’employer le même temps à lire les pages les plus merveilleuses d’une introduction, les lignes les plus ingénieuses d’un commentaire.

Nous suivons le texte de l’édition Gehrardt pour les Nouveaux Essais, et nous profitons des excellentes corrections de MM. E. Boutroux et H. Lachelier pour la Monadologie. Toutefois, si nous respectons la ponctuation parce qu’elle est souvent importante pour le sens et bien qu’elle soit plus germanique que française, nous n’avons pas poussé le scrupule jusqu’à respecter l’orthographe souvent archaïque et barbare.