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corps organique. L’âme suit ses propres lois, et le corps aussi les siennes ; et ils se rencontrent en vertu de l’harmonie préétablie entre toutes les substances, puisqu’elles sont toutes des représentations d’un même univers (Préf.*** 6 ; §§340, 352, 353, 358).

79[1]. Les âmes agissent selon les lois des causes finales par appétitions, fins et moyens. Les corps agissent selon les lois des causes efficientes ou des mouvements. Et les deux règnes, celui des causes efficientes et celui des causes finales, sont harmoniques entre eux.

80[2]. Descartes a reconnu, que les Âmes ne peuvent point donner de la force aux corps, parce qu’il y a toujours la même quantité de force dans la matière. Cependant il


    la liberté des créatures. L’explication de Malebranche lui paraît être celle d’un théologien, la sienne celle d’un philosophe : avons-nous besoin de dire que Leibniz abonde dans son propre sens et se montre injuste pour Malebranche qui n’admettait aucun miracle, même en théologie, les faisant rentrer eux-mêmes dans les lois naturelles, ce qui lui attira cette condamnation sévère de Bossuet, pulchra, noca, falsa. (Voy. la note du §51.)

  1. Causes efficientes… Causes finales. — Dans les corps il n’y a que des mouvements provenant d’autres mouvements : tout s’y réduit à la mécanique et c’est d’eux que Descartes peut dire omnia mathematica fiunt. Mais le monde des corps n’est que phénomène, apparence, l’antichambre de l’être, comme le cartésianisme est, selon Leibniz, l’antichambre de la vérité. Il faut donc au mécanisme qui est véritable pourvu qu’on le restreigne surajouter ; superaddere, le dynamisme. Les lois mécaniques ne font qu’exprimer à leur manière, que symboliser ce qui se passe dans l’intérieur de l’être. Quant à l’être lui-même, il ne renferme que tendance et perceptions : les séries de ces perceptions s’ordonnent en systèmes parce qu’elles tendent naturellement au bien, à une perfection plus haute, et c’est la définition même de la cause finale. D’ailleurs, les esprits contiennent tout ce qu’il y a de perfection et de beauté dans les corps, dans la mécanique : ils contiennent éminemment cette perfection, et cette beauté, et voilà pourquoi les deux règnes sont harmoniques.
  2. Il y a toujours la même quantité de force dans la matière. — Voici le passage des Principes où Descartes soutient que la quantité de mouvement doit rester identique dans l’univers par la raison que Dieu est immuable : Generalem (motus causam) quod attinet, manifestum mihi videtur illam non aliam esse, quam Deum ipsum, qui materiam simul cum motu et quiete in principio creavit, jamque per solum suum concursum ordinarium, tantumdem motus et quietis in ea tota quantum tune posuit. Nam quamvis ille motus nihil aliud sit in materia mota quam ejus modus, certam tamen et determinatam habet quantitatem, quam facile intelligimus eamdem semper in lota rerum universitate esse posse, quamvis in singulis ejus partibus mutatur. (Princ., II, 36.) Ainsi, la conservation du mouvement en quantité toujours égale, bien qu’inégalement et diversement réparti, est déduite de l’immutabilité divine. On comprend donc que les âmes soient radicalement impuissantes à jeter dans la circulation universelle une quantité quelconque de mouvement, mais qu’elles puissent changer la direction du mouvement qui existe dans le monde et dérive de la « première chiquenaude » comme parle Pascal. On sait que Leibniz substitue à la quantité de mouvement (m v) la quantité de force vive (m v²), comme quantité constante et invariable. Le principe de la permanence de la force ou de la conservation de l’énergie, si souvent invoqué par les physiciens et les métaphysiciens contemporains, porte que ce n’est ni la quantité de mouvement, comme le