Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/98

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que les esprits puissent atteindre leurs fins morales. Le règne de la nature prépare le règne de la grâce et les causes efficientes se subordonnent aux causes finales. Le dynamisme ou la finalité est surajoutée au mécanisme, qui trouve en lui sa raison d’être et sa dernière explication.

Atomes de la nature, de la matière, de la substance. — Leibniz oppose les atomes de la nature (c’est-à-dire de la réalité) aux atomes de la matière (c’est-à-dire de l’apparence, du phénomène). Atome signifie insécable, indivisible ; or, les dernières parties de l’étendue ou de la matière sont encore divisibles, puisqu’ils ont eux-mêmes étendue et figure. Les atomes de la nature sont au contraire des points métaphysiques absolument inétendus et sans figure ; « les points physiques ne sont indivisibles qu’en apparence ; les points mathématiques sont exacts, mais ce ne sont que des modalités ; il n’y a que les points métaphysiques ou de substance (constitués par les formes ou âmes) qui soient exacts et réels ; et sans eux il n’y aurait rien de réel, puisque sans les véritables unités, il n’y aurait point de multitude. » (Syst. nouv., etc., 11.)

Axiomes (de ἀξίωμα, dignitas, suprématie). — Les axiomes sont donc les vérités essentielles et suprêmes qui rendent la science possible. « Il y a une espèce de propositions qui sous le nom de Maximes ou d’Axiomes passent pour les principes des sciences, et, parce qu’elles sont évidentes par elles-mêmes, on s’est contenté de les appeler innées, sans que personne ait tenté, que je sache, de faire voir la raison et le fondement de leur extrême clarté, » dit Philalèthe dans les Nouv. Ess. Théophile ajoute : « Il y a longtemps que j’ai dit publiquement et en particulier qu’il serait important de démontrer nos axiomes secondaires, dont on se sert ordinairement, en les réduisant aux axiomes primitifs ou immédiats et indémontrables, qui sont ce que j’appelais dernièrement et ailleurs les identiques. » (Nouv. Ess., IV, 7.)

Barbarus Hermolaüs est un philosophe et un érudit vénitien du quinzième siècle (1464-93), fanatique d’Aristote qu’il oppose à la scolastique et qui, dit-on, s’adressa au diable pour apprendre le vrai sens du mot entéléchie. Il le traduisit parle mot barbare perfectihabia, et Leibniz dit avec raison qu’il n’y avait pas besoin d’évoquer le diable pour cela, puisque cette traduction littérale ne nous apprend absolument rien. Barbarus se contente de décalquer fidèlement le mot grec.

Bayle, né à Carlat dans le comté de Foix en 1647, mort à Rotterdam, en 1706. — Ubi bene nemo melius, dit Leibniz, qui vante en maint endroit sa pénétration philosophique et fait le plus grand cas de son Dictionnaire historique et critique. Cependant Bayle ne lui ménage pas les objections, mais il les assaisonne toujours de compliments qui paraissent sincères, et parfois d’une fine ironie sous forme d’éloges que Leibniz ne discerne pas ou ne veut pas voir. Bayle, dans le célèbre article Rorarius mérite plus que partout ailleurs le nom qu’il se donne de Jupiter assemble-nuages. Il s’agit de la question tant controversée de l’âme des bêtes. Rorarius est un prélat italien du seizième siècle qui avait écrit sur l’intelligence des animaux, quod animalia bruta ratione utantur melius homine, et dont le livre serait profondément oublié dans l’article de Bayle. Leibniz rend à Bayle un touchant hommage à la fin du Discours sur la Conformité de la foi avec la raison. « Il est à espérer que M. Bayle se trouve maintenant environné de ces lumières qui nous manquent ici-bas, puisqu’il y a lieu de supposer qu’il n’a point manqué de bonne volonté.


Candidus insueti miratur limen Olympi
Sub pedibusque videt nubes et sidera Daphnis.